mardi 20 septembre 2011

La Huitième couleur - Terry Pratchett

Pratchett, tout le monde ou presque connaît ; sa série du Disque-Monde est l'une des sagas de fantasy contemporaine les plus connues. On peut même lire en préambule de l'édition poche que l'homme est le meilleur humoriste britannique de sa génération. Forcément, précédée d'une telle réputation, le récalcitrant modéré à la fantasy que je suis achève d'être convaincu et s'empresse d'aller vérifier les dires du peuple et des éditeurs.

Ankh Morpork, la double-cité dont toutes les autres ne sont que de pâles copies réduites, est menacée par un terrible fléau. Ce péril, voyez-vous, est de la pire espèce qui soit. Car en ville, il y a peu, est arrivé un touriste. Deuxfleur, tel qu'il se nomme, attise la convoitise de brigands en tous genres en raison de son or, tandis que le gardien de sa fortune, un coffre sur pattes, aiguise quant à lui la curiosité des passants et les moignons de ceux qui le sont trop. Ayant rencontré Rincevent, un mage à la destinée peu flatteuse, les deux compère tomberont de Charybde en Scylla dans un monde aux surprises variées.
 
On me l'avait dit, ce premier tome n'est pas des plus réussis. Et pourtant il n'est pas déplaisant. Ayant lu quelques années en arrière Pieds d'argile, qui ne m'avait guère ébloui, je m'attendais à explorer Ankh-Morpork davantage. Car rapidement on s'éloigne de la double-cité, on la fuit de plus en plus dans un mouvement qui semble être soumis à la force centrifuge du Disque. On sent que le but véritable de Pratchett, dissimilé par cette pseudo-trame de partie entre dieux, est bien plus la mise en place de son univers que la narration d'une histoire déterminée. La structure même du roman incite en ce sens, la division s'effectue non pas en chapitres mais en parties, durant lesquelles nous sont contées les péripéties des « glorieux » aventuriers. Certes on voit du pays, on se balade dans des contrées exotiques, mais en l'absence de véritable justification scénaristique l'ennui s'invite dans la partie. Il manque une liaison entre les différents épisodes pour garantir le suspens indissociable de cette fuite en avant dans les pages. En revanche, les ressorts ayant trait à la Mort sont la plupart du temps plutôt astucieux.
 
Quant à l'humour so british qui saupoudre généreusement le livre, il parvient à faire mouche. En réalité on trouve peu de raisons de s'esclaffer à chaque coin de page, bien qu'il me soit arrivé par moments d'éclater de rire ; non, c'est plutôt le ton badin de l'histoire, léger, relevé de quelques épices hilarantes qui donne son cachet à l'ouvrage. Personnellement je n'ai pas entièrement adhéré. Difficile dans certaines circonstances tragiques de trembler pour le héros alors que tout indique qu'il va s'en sortir. Les passages que j'ai préférés sont les trop brefs moments passés en compagnie des assassins et des voleurs, où l'humour se lie parfaitement au dramatique. Autrement, les scènes d'action sont très prenantes.
 
Mais revenons sur nos deux héros (prononcez la liaison du « x »), Rincevent et Deuxfleurs. Très honnêtement, j'ai eu du mal à m'identifier à l'un des deux. Si la légèreté exagérée de Deuxfleur fait souvent sourire, il arrive un moment où elle en devient importune. La caricature du touriste avide de tout-voir-tout-visiter-tout-photographier commence à agacer lorsqu'un monstre tentaculaire jaillit devant eux. Entre autres. La couardise du mage se montre quant à elle plus intéressante, l'auteur sait en jouer avec parcimonie et à bon escient pour produire des situations comiques mais néanmoins attachantes. Il est cependant dommage d'avoir affaire à un mage incapable de lancer un sort, à moins de mettre l'univers en péril.
 
Enfin bref, c'est pour moi une introduction en demi-teinte. Si Pratchett propose un postulat intéressant – un mage totalement naze et un touriste complètement insouciant -, il oublie de servir une histoire cohérente du début à la fin, le milieu ressemblant à un bouche-trou révélateur de son monde. Le choix des héros n'est pas non plus anodin ; un protagoniste avec davantage de caractère aurait pu relever le récit. Mais saluons tout de même le choix audacieux de l'auteur qui assume jusqu'au bout sa parodie en proposant des personnages hors-normes. On s'interroge tout de même sur la place centrale qui leur est accordée : peut-être auraient-ils du rester en retrait pour se faire apprécier à leur juste valeur ?

2 commentaires:

  1. C'est pas son meilleur. Lis Mortimer ou trois soeurcières :p

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  2. Oui c'est ce qu'on m'a dit en effet. Il parait que le cycle des "soeurcières" (?) est bien plus fun. Je suppose que j'ai affaire à une experte chevronnée de Mr Pratchett ? ;)

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